Le candidat centriste est crédité de 60 % d’opinions favorables!
Au mois de janvier, il décrochait la première place de notre palmarès Ipsos-Le Point des leaders politiques. François Bayrou ne l’a plus quittée. De 56 %, le chantre du « produire en France » et du référendum sur la moralisation de la vie publique est passé à 60 % d’opinions favorables au mois de mars. Le candidat centriste à la présidentielle devance même le grand favori de la course à l’Élysée, François Hollande, qui totalise pour sa part 53 % d’opinions favorables (+ 1 point). Le hic : les intentions de vote en sa faveur n’augmentent pas à la même cadence. Si un sondage LH2 pour Yahoo! (réalisé les 2 et 3 mars) lui a attribué 15 % de voix potentielles, un sondage Ifop lui en accordait 11,5 % trois jours plus tard, et quatre sondages différents (CSA, Harris Interactive, OpinionWay et BVA) le créditaient de 13 % d’intentions de vote la même semaine. Une moyenne légèrement supérieure aux enquêtes de la fin du mois de février, mais qui reste insuffisante pour espérer titiller le candidat de l’UMP Nicolas Sarkozy.
Or c’est bien la place du président-candidat que François Bayrou vise au second tour. Il l’a dit très clairement lors de son passage sur France 2, dans l’émission Des paroles et des actes : « Si je bats Nicolas Sarkozy au premier tour et François Hollande au second… » Le message (subliminal), qui s’adresse aux électeurs de droite, est clair. Bayrou estime avoir plus de chances de battre le candidat socialiste que n’en a le chef de l’État. Avis est lancé, donc, à tous ceux que rebute la perspective de voir l’ancien premier secrétaire du PS installer ses valises à l’Élysée : « Votez plutôt Bayrou que Sarko ! »
Candidat du « recours » ?
Reste que le patron du MoDem prend soin de préserver son image de candidat au-dessus des partis. Ainsi n’épargne-t-il pas plus le leader de la droite que celui du PS. Il a par exemple critiqué, parfois avec virulence, le style et certaines des propositions du candidat Sarkozy : sur le référendum sur le droit des chômeurs, la révision des accords de Schengen ou encore l’échange entre le président-candidat et des agriculteurs à Bayonne.
Résultat : s’il gagne encore en popularité ce mois-ci, selon notre baromètre*, il marque ces points chez… les sympathisants socialistes. Avec Laurent Fabius, fraîchement converti au hollandisme (+ 13 points), il fait la plus belle remontée de notre palmarès en marquant 10 points. L’ex-troisième homme de 2007 devient même leur quatrième personnalité politique préférée, toutes tendances confondues, devançant Ségolène Royal, Jack Lang et Manuel Valls. Il perd, en revanche, cinq points chez les sympathisants UMP, dont il n’est que la onzième personnalité préférée (58 % d’opinions favorables). Autant dire que la stratégie du « recours » à droite n’a pas encore porté ses fruits.
La solitude
Sans évacuer l’explication communément admise au MoDem sur la « bipolarisation » des médias et des esprits – les soutiens de Bayrou espèrent d’ailleurs bénéficier de l’égalité du temps de parole, sans critère de représentativité, qui entre en vigueur le 19 mars -, deux inconnues subsistent au sujet de François Bayrou. Elles expliquent, au moins en partie, les réticences à son égard d’un électorat modéré, pourtant proche sur le plan des idées. La première : avec qui gouvernerait-il ? Quelle majorité ? Le candidat centriste a l’habitude de botter en touche lorsqu’on l’interroge à ce sujet, en répondant : « Croyez-vous que les Français sont assez inconstants pour m’élire comme président de la République en mai et me refuser en juin la majorité qui me permettra de remplir les engagements que j’aurais pris avec eux ? »
Pour personnifier son gouvernement d’union nationale, il cite encore certaines figures politiques, vivantes ou disparues, du centre gauche et du centre droit : Michel Rocard, Jacques Delors, Raymond Barre. Récemment, il a avancé l’idée que sa proposition de référendum, qui aurait lieu juste avant les législatives de juin, servirait à constituer une majorité au Parlement : ceux qui voteraient « oui », avec Bayrou, les autres, dans l’opposition. Autant de réponses qui n’en sont pas réellement. Jeudi soir, dans Des paroles et des actes, le patron du MoDem, invité à se prononcer sur l’identité de son Premier ministre, a poussé le vice jusqu’à répondre par une plaisanterie lorsqu’on lui soufflait le nom de Philippe Douste-Blazy, ex-ministre des Affaires étrangères, récemment converti au « bayrouisme ». Une vacherie qui ne fait que souligner son embarras.
L’incertitude
Deuxième plafond de verre : Bayrou refuse toujours de dire pour qui il appellerait à voter au second tour, s’il n’y était pas. Une posture compréhensible sur le plan de la stratégie, mais qui ne peut que gêner ses électeurs potentiels issus de la droite ou de la gauche. L’élu du Béarn croyait sans doute être débarrassé de cette interrogation depuis qu’en juillet, lors d’un déplacement à Angers, il avait confié à quelques journalistes qu’il prendrait, quoi qu’il arrive, une décision, contrairement à 2007. Sauf que la question, de plus en plus lancinante avec sa stagnation dans des eaux intermédiaires, lui revient en pleine figure.
Et à entendre son « non », jeudi, dans Des paroles et des actes, quand on le sondait pour savoir s’il arrêterait la politique après la présidentielle, on en vient à se demander : Bayrou a-t-il réellement décidé d’appeler à voter pour quelqu’un, s’il n’est pas au second tour ? Après tout, en avril 2017, il n’aura que 65 ans.
* Réalisé les 9 et 10 mars 2012, par téléphone, selon la méthode des quotas, sur 964 personnes constituant un échantillon national représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.